Carte Blanche - Emballages plastique : les experts prônent une meilleure collaboration de tous les acteurs pour diminuer d’urgence leur utilisation et augmenter leur recyclabilité
Texte co-signé par : Niko Vanhaelen (Key Account Manager) chez Fost Plus, Lotte Krekels (packaging manager) chez Carrefour, Herman Konings (consumer behaviour psychologist), Karine Van Doorsselaer, (spécialiste des matériaux et de l’éco-design) à l’université d’Anvers et Emmanuel Mossay (expert en économie circulaire).
Les microparticules d’emballages issus de la pétrochimie se sont insinuées dans les moindres recoins de notre planète. Or, si rien ne change, la production mondiale de plastique devrait augmenter de 40 % d’ici dix ans. Il y a donc urgence, raison pour laquelle une série d’experts se sont rassemblés, à l’initiative de Frosch Benelux, afin d’imaginer des solutions concrètes pour une utilisation plus intelligente et écologique du plastique comme matériau d’emballage. Ce dernier ayant de nombreuses raisons d’exister vu de ses nombreuses qualités pratiques et de conservation ainsi que son coût attractif, sa recyclabilité est au centre de toutes les attentions. Le cap vers une meilleure utilisation du plastique est résumé par Frosch avec le principe des trois “R” : réduire, réutiliser, recycler.
Actuellement, au moins 8 millions de tonnes de déchets plastiques finissent dans l’océan chaque année et la production de plastique pourrait atteindre 620 millions de tonnes d’ici 2030[1]. Sans oublier que la crise sanitaire a stimulé l’utilisation des produits à usage unique, des portions individuelles, de matériel de protection tel que des gants ou des masques…
Mais pour autant, les solutions concrètes au niveau mondial tardent à être mises en place à grande échelle. Raison pour laquelle le leader des produits ménagers écologiques en Europe a rassemblé autour de la table Niko Vanhaelen, Key Account Manager chez Fost Plus (organise et finance la collecte sélective, le tri et le recyclage des déchets d’emballages ménagers en Belgique), Lotte Krekels, packaging manager chez Carrefour, Herman Konings, consumer behaviour psychologist, Karine Van Doorsselaer, spécialiste des matériaux et de l’éco-design à l’université d’Anvers et Emmanuel Mossay, expert en économie circulaire.
[1] Chiffres publiés par l’ONU
C’était un débat animé entre différentes parties prenantes du secteur. Les opinions divergeaient sur certains sujets et se rapprochaient sur des autres. Dans le document ci-dessous, Frosch résume les grands points de la discussion et fait le lien avec ses propres enjeux dans la conclusion.
Pourtant, les participant appellent à une synergie renforcée de tous les acteurs du secteur : décideurs, distributeurs, producteurs, acteurs du recyclage et concepteurs de matériaux, afin de passer du linéaire au circulaire, d’encourager l’utilisation durable des matériaux éco-conçus non toxiques pour le vivant et de communiquer plus largement afin d’aider le consommateur à faire des choix éclairés.
Ensemble vers un nouveau paradigme
« La collaboration est la base de l’économie circulaire » insiste Emmanuel Mossay. Avec les autres experts présents lors de cette table ronde, l’expert en économie circulaire appelle à un effort collectif car les défis liés à l’impact environnemental du plastique sont sociétaux : « Les décideurs pourraient notamment mettre en place rapidement des campagnes de communication vers le grand public ainsi que des initiatives de sensibilisation et d’information au sein des écoles pour qu’ils comprennent mieux les enjeux et leur rôle ». Selon Lotte Krekels, de Carrefour, les distributeurs doivent également participer à cette dynamique pour aider le consommateur à faire des choix éclairés. Herman Konings insiste quant à lui sur le partage des connaissances et des données pour faire évoluer les matériaux et les systèmes d’emballages. Philosophie pratiquée par Werner & Mertz, la société fabriquant Frosch, qui a développé en 2012 déjà une « Recyclate Initiative » avec ses partenaires industriels, afin de mettre au point un procédé innovant pour transformer les déchets plastique en matériaux de recyclage de qualité. D’autres partenaires sont toujours les bienvenus insiste la marque à la grenouille adepte des innovations « ouvertes ». Selon Karine Van Doorsselaer, une partie importante de la solution se trouve évidemment du côté des concepteurs des packaging : « L'impact environnemental des produits et de leurs emballages est déterminé à 80 % par les choix effectués par le concepteur. Il est de la plus haute importance d'appliquer les principes de l'éco-conception, en considérant l'ensemble du cycle de vie de l'emballage par rapport aux principes de l'économie circulaire : prévenir, réduire, réutiliser et enfin recycler les emballages. Il faudra toujours chercher un compromis avec les autres exigences de l'emballage, en mettant l'accent sur la protection optimale du produit emballé ». Werner & Mertz qui est, selon l’organisation Ellen MacArthur, une des rares sociétés à poursuivre l’objectif de convertir tous les emballages en 100 % recyclé, a notamment imaginé récemment une poche révolutionnaire en matériaux recyclé et recyclable qui permet également de diminuer de 70 % la quantité de matériau utilisé par rapport à une bouteille en plastique classique.
Conscientiser sans complexifier
Concrètement, accompagner le consommateur dans ses choix de consommation a pour objectif qu’il prenne notamment conscience de l’impact environnemental de l’emballage, pour qu’il n’oublie jamais de jeter ses emballages en plastiques recyclables dans le sac bleu. En ce qui concerne l’acte d’achat, une étude de Frosch a notamment proposé l’idée d’un Plasti-score inspiré du Nutri-score, sorte de note catégorisant les bons et les moins bons emballages. Une idée plutôt bien accueillie par les consommateurs puisque quelque 78 % des répondants au sondage dans le cadre de cette vaste étude ont plébiscité cette méthode. Les experts, par contre, sont un peu moins emballés, comme le détaille Karine Van Doorsselaer : « Est-ce que les critères desquels dépendront la note seront bien clairs et bien compris ? Il est impossible d'exprimer en un seul chiffre la complexité des bons ou mauvais emballages. Toutes les études LCA qui tentent de le faire, sont basées sur 1001 hypothèses et sont toujours en discussion ». Certains experts misent plutôt sur la présence d’une image ou d’une photo représentant le fléau qu’est la pollution liée au plastique ou au contraire toutes les « belles » chose que l’on peut faire avec des matériaux recyclés et ce, afin de toucher l’émotion du consommateur et surtout pour lui faire comprendre qu’il est un des maillons indispensables de cette chaîne de recyclage. Par ailleurs, la piste d’une consigne sur les emballages plastiques, n’est pas à exclure, selon certains experts. Niko Vanhaelen attire l’attention sur le fait que la Belgique a déjà un système de collecte efficace, via le sac bleu PMC. Y-ajouter un deuxième système ne ferait qu’augmenter les coûts sans pour autant améliorer les résultats. D’ailleurs, le sac bleu PMC et la chaîne de tri et de recyclage derrière offrent une solution de recyclage pour tous les emballages ménagers en plastique, tandis qu’une consigne ne vise d’habitude que certains types d’emballages tel que les bouteilles de boisson
Le recyclage : dernier maillon de première nécessité
Si le plastique le plus écologique est celui que l’on ne produit pas, pour les emballages il n’en reste pas moins un allié précieux, très pratique et peu coûteux pour les producteurs et garant d’une bonne conservation du produit. Si son utilisation doit être plus réfléchie mais pas abandonnée, c’est alors le principe des trois « R » qui doit être intégré dans la façon de l’utiliser : réduire son utilisation quand cela est possible (vrac, réduction du poids de l’emballage), réutiliser les emballages et finalement les recycler à large échelle en fin de vie. Voilà pourquoi Fost Plus estime que « quand un emballage est nécessaire, il faut assurer une solution de recyclage durable ». Le spécialiste en économie circulaire Emmanuel Mossay insiste sur ce dernier point : « le recyclage devrait être la dernière étape de l'échelle Lansink acceptée en Europe. Cela signifierait que le brûlage et le rejet dans le sol des déchets plastiques recyclables seraient interdits, ici et en dehors de l'Europe. »
En Belgique, des efforts remarquables ont été faits en termes de recyclage. « Nous sommes même parmi les meilleurs élèves européens avec un taux de recyclage de 51 % pour les emballages en plastique en 2020, cinq ans en avance par rapport à l’échéance européenne qui prévoit un taux de recyclage de 50 % des emballages en plastique pour 2025 », détaille Niko Vanhaelen de Fost Plus, « tous les emballages que nous collectons sont recyclés en Belgique ou dans les pays voisins pour en faire de nouvelles matières premières secondaires, en évitant le transport sur de longues distances. Grâce à la construction de nouveaux centres de tri et d’usines de recyclage plastiques en Belgique, nous contribuons à l’activité économique et à l’emploi dans notre propre pays ». Fost Plus veut offrir une solution de recyclage pour tous les emballages ménagers mais elle met cependant en garde : « Certains producteurs cèdent sous la pression de l’opinion publique et, dans certains cas, remplacent du plastique parfaitement recyclable dans leurs emballages par des alternatives impossibles ou très difficiles à recycler ou avec un impact environnemental important ». Chez Frosch, le choix a été fait depuis longtemps de s’équiper de flacons 100 % recyclés et recyclables mais la marque développe également des produits concentrés avec par conséquent des contenants plus petits qui nécessitent donc moins de matière plastique au départ (comme les nouvelles pochettes développées par Werner & Mertz).
Un enjeu géostratégique
Une autre conséquence négative de cette utilisation massive des emballages plastiques est liée aux lieux de production de ces matières (vièrges), majoritairement en Asie et au Moyen-Orient, ce qui nous rend fortement dépendants de ces pays et qui induit un coût lié à leur acheminement qui peut s’élever à 60 % du coût total du produit. Une aberration économique mais aussi écologique du fait de l’empreinte carbone des déplacements. En recyclant sur le sol belge, tel que Fost Plus préconise avec 5 nouveaux centres de recyclage spécifiquement pour les matières en plastique du sac bleu, nous mettons des matières premières secondaires à disposition de l’industrie de production local.
Frosch conclue que, dans la perspective d’un monde libéré de cette pollution plastique qui prolifère à la façon d’un cancer fulgurant, nous devons tous prendre urgemment nos responsabilités et trouver des solutions globales et collectives. Aux décideurs, Frosch demande de réfléchir sérieusement à la mise en place de leviers fiscaux ou autres mécanismes qui peuvent inciter les producteurs à choisir de mettre en œuvre les emballages éco-conçus mais également de réfléchir sur le cycle de vie lors du développement de leurs emballages.